Vallès

Publié le par Le suspendu errant

Père Lachaise comme première balade. Pourquoi ? D’abord parce que pour une balade au mois d’avril, c’est beaucoup plus joli que la rue Mont-Royal à Montréal, rue de toutes mes balades quotidiennes (volontaires ou obligatoires) pour acheter l’essentiel de mes besoins ou bedon juste pour le plaisir de me promener avec mes pieds qui vont de l’avant sans jamais reculer. Mais surtout parce qu’il y a des arbres et que contrairement aux nôtres, ceux-ci ont des feuilles full déployées avec pleins de nuances de vert dedans, comme on en verra peut-être un jour à Montréal si l’ostie de printemps de marde cesse de se prendre pour octobre ou novembre. Tsé.

En fait, c’est l’été ici, le vrai, avec sa part de filles en tenue d’été qui, et un peu comme les arbres finalement, arborent un effeuillage retenue et subtile, mais ravissant avec pleins de nuances de peau tant au niveau du bas qu’au niveau du haut du corps comme disent les commentateurs sportifs et c’est franchement rafraichissant pour des yeux comme voilà-t-y pas les miens.

Père Lachaise aussi parce que c’est pas trop loin de l’apparte que j’ai loué et qu’après 7h de vol et deux heures interminables de douanes Françaises combinées à une autre heure de transport en commun pour me rendre ici, après un vol de nuit sans grand sommeil à cause des 762 bébés qui chialaient en cœur dans l’avion (y a pas une soute à bagages pour ça ?), mettons que c’était juste parfait comme première sortie.

 

Sur la grande carte à l’entrée, t’as tous les noms célèbres qui reposent en ce lieu. Balzac, Oscar Wild, Delacroix, Sarah Bernard et j’en passe. Bon, mettons que t’as le choix en masse. Mais mon œil aiguisé voit apparaître le nom de Jules Vallès et du coup, ben merde, je décide que ce sera le premier à qui j’irai rendre visite. Je me dis que ce n’est que justice après une élection de merde où le peuple s’est refusé une VI république bien à elle avec une constitution écrite par elle et pour elle et qui aurait permise la destitution de tout élu qui ne fait pas sa job correctement. Ce n’est pas exactement la Commune de Vallès et de ses camarades tu vas me dire, mais c’était tout de même quelque chose qui faisait rêver et qui était à portée de main.

 

J’ai trouvé sa tombe en cherchant un peu parce que t’as beau avoir un plan, c’est parfois crissement compliqué à t’y repérer. Mais c’est ce qui fait le charme de cette visite. C’est un peu comme une chasse au trésor si tu veux, mais tu remplaces le trésor par un écrivain, un poète ou un peintre et tu passes une belle journée. D’ailleurs au moment de ma visite, t’avais des tas d’élèves accompagnés de leur prof qui jouaient à ça. Dès qu’ils trouvaient la tombe recherchée, le prof en profitait pour faire un topo sur la vie et l’œuvre du personnage et je me suis dit comme ça, dans mon moi-même un peu frosté par plus de 24 heures sans sommeil, quelle crisse de bonne manière d’initier des kids à l’histoire.

 

Jules dormait quand je l’ai trouvé. D’ailleurs il dort encore, mais pas sa conscience ni son rêve d’idéal, d’égalité et de justice pour tous les êtres humains. Je me suis recueilli un peu en regardant sa tombe et je me suis dit comme ça que des mecs comme lui, qui pouvaient aussi bien prendre la plume que la barricade pour éveiller les conscience, t’en as plus beaucoup et on dit merci à ces quelques profs d’histoire qui amènent encore leurs élèves à rencontrer ces personnages hors du commun.  Hommage à ces hommes et à ces femmes qui, à travers l’histoire, ont donné leur vie pour libérer celles de leurs semblables du joug de toutes les tyrannies politiques qui les ont exploités. Que c’est décevant quand même de réaliser que c’est encore le cas aujourd’hui, mais sous des formes beaucoup plus hypocrites et, hélas, beaucoup plus efficaces. Quelle belle invention en effet que celle qui consiste à maintenir le peuple dans son esclavage en lui faisant croire qu’il est libre. Pour y arriver, il aura simplement fallut remplacer les fusils par des cartes de crédit. Tiens, endettes toi pauvre con et après tu passeras le reste de ta vie à travailler pour le système.

 

Sur le devant, cette inscription tirée, je crois, de L’Insurgé : Ce qu’ils appellent mon talent n’est fait que de ma conviction. Et convaincu, Vallès l’était. J’ai un peu nettoyé sa tombe, symboliquement, en la débarrassant d’une partie de la poussière du temps qui la recouvrait. C’était tout ce que je pouvais faire pour lui dire merci. En regardant de plus près, j’ai vu qu’un visiteur avait écrit quelque chose sur le côté gauche de sa sépulture avec un feutre noir. La pluie et les années ont un peu effacé l’inscription, mais l’on peut encore très bien lire le message. Et ce simple graffiti laissé là par une main anonyme m’a fait comprendre que peu importe la forme que prennent nos gouvernements, que peu importe le type d’encrassement que prennent nos libertés, que peu importe la forme que prennent nos cages dans lesquelles leur système nous confine, jamais le rêve de Vallès ne mourra. C’était écrit :

 

Vive la commune !

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article